mardi 12 janvier 2016

JTPV - Escalader le Mont Fuji

S'il y a bien une chose que j'ai appris dans cette aventure, c'est que le terme exact n'est définitivement pas randonnée, mais bien escalade. Ou presque. Pour être honnête, ça rend mieux en anglais : climbing and not hiking ! L'aventure aura duré 24h, depuis le moment où j'ai quitté la maison, pleine de motivation et de bonne volonté, à celui où je l'ai retrouvée, trempée et épuisée. Que ce soit clair avant que je commence mon récit : nooooooooooon, rien de rieeeeeeeeeen, nooooooooooon je ne regrette rieeeeeeeen !!! Ou presque.


Jeune et pleine d'espoir. Gardez ça en mémoire.


Pour commencer la promenade sur le Mont Fuji, il y a plusieurs possibilités. Généralement, les gens débutent à partir de la 5e station et marchent jusqu'au sommet. Il y a de nombreuses escales sur la route : de petites cabanes avec toilettes et la possibilité de dormir ou se reposer... moyennant une somme d'argent qui augmente plus on se rapproche du sommet. A la 8e station (sur 10), c'était déjà plus de 7000Y, soit environ 50€. Autant dire que peu importe l'état dans lequel je me trouvais à ce moment, c'était hors de question. Notamment parce que je n'avais plus que 1000Y dans mon porte-feuille.
La tradition est de grimper aussi haut que possible, dormir pour laisser le temps au corps de s'acclimater à l'altitude, puis atteindre le sommet pour admirer le lever de soleil. Il y a aussi la possibilité de faire l'ascension d'une traite durant la nuit afin d'arriver au top autour de 4h30 et là aussi admirer le soleil. Ayant parlé avec quelqu'un ayant choisi la deuxième option, je me suis dit pourquoi pas, et c'était donc mon plan.
Je savais qu'il devait pleuvoir un peu, mais je n'étais pas trop inquiète car j'avais suffisamment d'épaisseur et quelque chose contre la pluie. Dans mon esprit, j'étais parée à toutes éventualités.
Naïve que j'étais...



Pour rejoindre le Mont Fuji, j'avais un trajet de 2h30 en bus depuis Shinjuku, au centre de Tokyo. Plus on approchait de la 5e station et plus la visibilité sur la route était mauvaise en raison du brouillard, ou des nuages extrêmement bas. Puis nous les avons finalement dépassés juste avant d'arriver, découvrant une vue magnifique, digne de celle que l'on a depuis l'avion. On est déjà à 2400m lorsqu'on quitte le bus, à environ 6h de marche du sommet. Je suis arrivée sur place vers 18h, mais comme il est recommandé d'attendre 1h avant de commencer l'ascension, afin de laisser au corps le temps de s'acclimater, je ne suis partie qu'après 19h. L'ascension est payante : 1000Y pour aider à la préservation du site. En échange, on reçoit un badge et un guide. Et on a le droit à plusieurs panneaux nous prévenant que hey ! N'oubliez pas que le volcan est toujours actif ! Peut-être que vous allez mourir dans d'atroces souffrances ! Gloups.
Une fois les formalités terminées et la 5e station visitée de fond en comble, me voilà partie. Il fait nuit noire, et à ce moment je suis seule. Je croise tellement de gens allant dans l'autre sens que je commence à me demander si je ne me suis pas trompée de chemin. Surtout que je suis en descente légère. C'est la pleine lune, du coup la luminosité est bonne.

 
Après une bonne demi heure de marche, la montée commence, tranquillement. Le chemin est large, la visibilité est excellente, je commence à me dire que cette randonnée sera du gâteau ! Du moins, c'est ce que je pense pendant les cinq premières minutes, avant que mon corps ne me rappelle que le sport et moi ça fait deux.



J'arrive à la 6e station ! 


Juste avant on passe dans une sorte de tunnel qui donne sur le poste de secours. Un texte en japonais, chinois et anglais tourne en boucle et donne quelques indications de sécurité et les règles à respecter. En levant les yeux, on aperçoit un serpentin de lumière qui va jusqu'au sommet. La vue est claire et les nuages semblent absents. Je reprends ma route après avoir grignoté un onigiri et une barre de céréales. Le chemin vers la septième est parsemé de marches immenses, certaines hautes d'une cinquantaine de centimètres. Un groupe de grimpeur commence à chanter un peu plus bas, et on entend les grelots des bâtons un peu partout. Ayant fortement ralenti le rythme à cause des marches, je suis accostée par deux japonais avec qui je commence à discuter en anglais. La montée devient tout à coup plus agréable ! D'autant plus qu'arrivée à la cabine suivante, l'un d'eux m'introduit auprès de son groupe de pote comme sa copine. Well, si tu insistes...


Il est presque 23h et je ne suis pas encore à la 7e station lorsque je fais ma première pause pipi. L'eau est rare à cette hauteur, et la chasse d'eau ressemble à un pistolet à eau. Ça n'empêche pas la cuvette d'être chauffante (caractéristique des WC japonais). Surprise : un sac est rempli de serviettes hygiéniques disponibles gratuitement. Je suppose que c'est payé par les 200Y qui permettent d'accéder aux toilettes ! Oh, autre détail qui a tout de même son importance : interdiction de jeter le papier toilette dans la cuvette, nope. Une poubelle a été placée à cette intention. Pour la première fois, on voit quelque chose à l'horizon : les lumières d'une ville, qui surgit au milieu des nuages. C'est magnifique ! J'ai parfois l'impression de sentir la montagne vibrer sous mes pieds, et la montée devient vraiment compliquée. On commence à se rapprocher de l'escalade par moment. Les grimpeurs sont nombreux, et on avance lentement on file indienne. Ma caméra a décidé que le moment était parfait pour refuser de s'ouvrir, me privant de la possibilité de faire des photos floues et des vidéos complètement noires. Un drame.

23h30. J'ai passé la 7e, mais je ne sais pas trop quand. J'ai également croisé un joli torii. Je suis de nouveau en pause avec ma liseuse, et il a malheureusement commencé à pleuvoir ! Je suis également devenue pote avec un groupe originaire d'Amérique du Sud, dont certains membres parlaient français. On s'est donné rendez-vous au sommet !

At first I was affraid, I was petrified... I will surviiiiiive !

 Il est 0h30. Je me suis retournée après avoir quitté mon dernier arrêt, et la cabane avec ses lumières allumées surplombait la pente, à moitié avalée par la brume. La vision est presque féérique. Malheureusement, c'est mon dernier moment de tranquillité : la pluie et un vent violent se joignent à la fête. Ça devient vraiment compliqué, j'ai les jambes et les pieds trempés. Mais j'ai passé la 8e (3100m) !

Can you feel the pain ?
Et c'est là que s'arrête mon compte rendu écrit sur le vif. La pluie s'est fortement aggravée, je suis restée coincée quelque part entre la 8e et la 9e, frigorifiée et complètement trempée. J'ai dû glisser mon sac sous mon manteau car il commençait à prendre l'eau, mais il était trop gros pour que je puisse fermer mon manteau de nouveau, me laissant exposée au vent et à la pluie. Heureusement, la polaire que j'avais en dessous est très épaisse. On nous déconseille très fortement de continuer : la visibilité est presque nulle pour le reste de l'ascension et c'est trop dangereux. Je reste donc immobile pendant une durée inconnue, craignant de tomber en hypothermie et réalisant que mon assurance ne m'aurait pas couverte en cas de problème. Je me réchauffe quelques minutes avec une cup noodle, mais c'est bien loin d'être suffisant quand j'ai l'impression d'être immergée dans de l'eau glacée. Le fait de rester immobile est pire que tout. La fatigue et la déprime arrivent. J'aurais vendu mon âme pour un bain chaud. Un onsen semblait être le meilleur lieu au monde à ce moment précis.

Finalement, un groupe de philippins me prend en pitié et me laisse me glisser dans un coin à l'abri du vent. Les guides / secouristes nous conseillent de redescendre. Vu que je venais d'entendre quelqu'un dire qu'il avait essayait et que c'était impossible car trop dangereux à cause du vent, je flippe un peu. Mais il était hors de question de rester immobile pour une durée indéfinie, sans même être sûre de pouvoir atteindre le sommet. Me voilà donc partie accompagnée de mes philippins qui restent à proximité lorsqu'ils apprennent que je suis seule. Et c'est une bonne chose : quelques mètres après avoir commencé la descente, une forte bourrasque de vent m'emporte vers la pente. L'un des garçons m'agrippe immédiatement. J'ignore si j'aurais pu m'arrêter avant la descente.

N'ayant pas vraiment le choix, je continue. Le fait de bouger de nouveau me permet de me réchauffer un minimum, et on descend lentement mais sûrement. Ce chemin n'est pas pensé pour les descentes, et la pluie a rendu les pierres légèrement glissante, mais je parviens à garder mon équilibre. Nous sommes nombreux à redescendre, et par moment tout le monde se met à crier "gambatte" (courage). L'ambiance est chaleureuse, ce qui fait du bien vu à quel point tout le monde est frigorifié ! La pluie est tellement fine qu'elle se glisse absolument partout : les poches de mon imperméable, fermées par une fermeture éclair, sont complètement remplies d'eau.

Petit à petit, on descend. Après ce qui me semble être des heures, je me rends compte qu'on vient seulement d'arriver à la 8e station. A ce moment là, je ne suis pas sûre d'être capable de rentrer par moi-même. Je ne suis pas vraiment fatiguée, juste frigorifiée.

Je précise : cette photo a été prise avant mon départ.
Le jour commence à poindre et la visibilité s'améliore. Malheureusement on ne peut pas en dire autant de la pluie. On commence à croiser des gens qui grimpent. Pourquoi ils s'infligent ça à 5h du mat, je ne le saurai jamais. Lorsque je rejoins enfin la 5e station, il est 6h, mes vêtements de rechange sont trempés, mais mon téléphone, mon appareil photo et ma liseuse sont toujours vivants. Je ne me suis rien cassé, et je n'ai pas eu besoin d'être rapatriée par les pompiers. Dans l'ensemble je m'en suis bien sortie.

Je m'offre un petit déjeuner japonais en attendant le bus. La soupe miso fait un bien fou ! A 9h, il pleut des cordes alors que ça c'était un peu calmé. C'est évidemment l'heure où je dois attendre mon bus dehors. Mais le chauffeur est préparé : tous les sièges sont enveloppés de plastique !

J'arrive à Shibuya vers 12h30, et rejoins enfin la maison à 14h. Laissez-moi vous dire que la douche chaude me transporte au paradis !

Mais comme je l'expliquais en début d'article, je ne regrette rien. Même si je n'ai pas réussi à atteindre le sommet, j'ai accompli quelque chose dont je ne me croyais pas capable. Et après tout, je n'ai certes par atteint le top, mais j'ai tout de même grimpé sur le Mont Fuji ! Sur un volcan ! A plus de 3000m ! Dans la pluie, le vent et le froid ! De nuit !

Quelques conseils si vous voulez tenter l'aventure !

[x]
Privilégiez la fin du mois de juillet / le début du mois d'août pour faire votre ascension. La météo est plus stable.
Faites en sorte que l'intégralité de vos affaires soit imperméable et prévoyez des précautions supplémentaires juste au cas où.
Dans votre sac, mettez tout dans des sacs plastiques. Mettez vos sacs plastiques dans des sacs plastiques.
Il est indispensable de partir avec une lampe frontale, aussi puissante que possible, même si vous faites l'ascension de jour. N'oubliez pas que la nuit tombe très tôt au Japon, et qu'on se retrouve vite au milieu du brouillard et des nuages.
Pensez à des poches chauffantes. Je n'en avais pas et ça m'a bien manqué !
Il vous faudra des pièces : c'est 200Y chaque fois que vous souhaitez aller aux toilettes, et il n'est pas possible d'avoir la monnaie.
Prenez des gants. Moins pour le froid que pour protéger vos mains lorsque vous grimpez.
Si vous voulez voir le levé de soleil, l'ascension de nuit en continu vous évite de dépenser une fortune pour un bout de tatami dans une cabane. Mais faites des pauses régulières pour laisser à votre corps le temps de s'adapter : il y a de moins en moins d'oxygène.
Prenez votre temps. Discutez avec les gens autour de vous. Profitez. Il y aura sans doute des moments difficiles, mais ça en vaut carrément le coup !

Aller. Un petit avant après ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire